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Voiture 11, places 35, 37

Ferréol ne viendra pas.

Dimitri a vérifié ; le 12h17 était à l’heure.

Il ne viendra plus.

Dès qu’il est arrivé, un peu plus tôt, par le 11h22, Dimitri est allé acheter les billets pour la capitale. Deux billets dans le TGV de 15h34, voiture 11, places 35, 37. Comme prévu, il est allé l’attendre au Terminus, de l’autre côté de la place. Dans cette ville où il pleut tout le temps, la façade du café était illuminée par le soleil de midi. Il était déjà venu deux ou trois fois dans ce bar. Il a pris une place devant la fenêtre. Il peut voir tous ceux qui sortent de la gare.

Il a attendu.

Il ne l’a pas vu sortir.

Il lui avait expliqué à lui qui ne connaissait pas la ville. « Le Terminus ou le Café de la gare, je ne sais plus. Tu ne peux pas te tromper. Il n’y en a qu’un. Juste en face de la sortie, de l’autre côté de la place ».

Depuis deux jours, il a essayé de le joindre. En vain. Il a mis ça sur le compte des préparatifs de départ.

Dès les premiers moments de leur rencontre, ils avaient décidé de partir. Ensemble, ils avaient réservé les billets d’avion. Ils s’étaient donnés un mois pour tout régler. Ils se retrouveraient ici, dans cette ville où il pleut tout le temps. Ils rejoindraient ensemble la capitale. Et puis, le grand saut. Un autre pays. Un autre continent. Une autre vie. A deux.

Il n’a pas eu le courage.

Il n’appellera pas. Leur relation vaut mieux que des reproches ou des supplications.

Il partira. Seul. Peut-être en avait-il eu le pressentiment. Tout à l’heure, il prendra le TGV de 15h34. Il aura deux places pour lui. Tout seul. Que faire d’autre ?

*

Quand Ferréol est sorti de la gare il a d’abord été ébloui par le soleil, juste en face. Immédiatement, pourtant, il a repéré le café, à l’ombre, de l’autre côté de la place. Il n’y avait personne en terrasse. Il est entré. Il a balayé la salle du regard.

Dimitri n’était pas là.

Pourtant, il avait vérifié, le 11h22 était arrivé. À l’heure.

Il n’était pas venu.

Il s’est assis à une table, face à la fenêtre. Il a commandé un café qu’il a bu d’un trait malgré la brûlure.

Cette fois pourtant, il y avait cru. Il n’avait pas hésité. C’était lui. Le moment était venu de tout larguer. Tout recommencer. Pour la dernière fois.

Il restait immobile. Figé. Sonné.

Au bout d’un temps infini, il avait enfin émergé. Il partirait. Seul. Que faire d’autre ? Il recommencerait. Peut-être.

Il est entré dans la gare. Il a pris un billet pour la capitale. Le TGV de 15h34. Voiture 15, place 14. Voie 2.

Demain, il prendra l’avion. Comme prévu. Il aura deux places pour lui. Tout seul.

Quand il s’est engagé dans le tunnel qui menait à la voie 2. Il est passé, sans les voir, devant les panneaux qui indiquaient : « Sortie Nord » et « Sortie Sud ».

 

Philippe GÉRARD

Tag(s) : #Nouvelles histoires courtes
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