/image%2F2016373%2F20160330%2Fob_8268f8_img-0022-copie.JPG)
La grande aiguille de l’horloge, sur la façade de la gare, avance par à-coup ; chaque minute un petit soubresaut suivi d’un léger tremblotement. À cette heure de la journée, dans la brasserie, de l’autre côté de la place, c’est le début du coup de feu quotidien. Voyageurs en transit et employés des bureaux voisins investissent les tables pour le déjeuner. Merwan a soigneusement choisi sa place. Installé sur la banquette de moleskine rouge il a l’horloge dans son champ de vision. Seuls les tramways qui se croisent sur l’esplanade à intervalles réguliers lui masquent l’espace d’un instant le tressautement de l’aiguille sur le grand cadran. Il sera bientôt midi. L’heure qui a été fixée. Merwan est tendu. Son regard glisse sur les passants aux abords de la gare puis s’attarde sur les consommateurs attablés autour de lui. Malgré le brouhaha des conversations, il perçoit le tictac de la pendule, au-dessus des bouteilles alignées derrière le zinc. Il observe machinalement qu’elle est en avance de cinq bonnes minutes sur l’horloge de la gare. Il n’a pas touché au jus de fruit devant lui. La lourde ceinture qui lui enserre la taille et déforme son blouson le gène dans ses mouvements. Elle lui fait mal. Sa main est crispée sur son téléphone. Le numéro est affiché sur l’écran. Lorsqu’il appuiera sur la touche d’appel, tout à l’heure, cela activera également le mécanisme dans le sac de voyage oublié derrière un pilier dans le hall de la gare. Ce sera aussi le signal pour les autres dans différents quartiers de la ville...
Cette nouvelle a été publiée aux éditions Édilivre sous le titre Instantanés
Le recueil est accessible à partir du lien suivant :
https://www.edilivre.com/instantanes-philippe-gerard.html
Bonne lecture.
